21 novembre 2024

Radio Ngoma ya Amani

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Inquiétudes en RDC autour de l’Accord Rwando-britannique sur les demandeurs d’asile

Deux mois après l’adoption dans la nuit du 22 au 23 avril par le Parlement britannique de l’accord controversé autorisant l’envoi des demandeurs d’asile vers le Rwanda, le sujet continue à animer les conversations aussi bien au Rwanda qu’à l’international, et surtout en RDC.

À Goma, dans l’est de la RDC, plusieurs citoyens ont fait part de leur préoccupation après l’approbation, du projet de loi permettant l’expulsion vers le Rwanda des demandeurs d’asile se trouvant illégalement au Royaume-Uni.

Pour eux, cette décision représente une menace supplémentaire pour la fragile sécurité de la région.

Les discussions sur cet accord sont animées dans les rues de la ville de Goma, une région déchirée par les conflits armés depuis plus de 30 ans, et où la situation ne cesse de se détériorer.

« On comprend aujourd’hui le rôle du Rwanda dans la région des Grands Lacs et son implication dans l’instabilité régionale. Cependant, il est difficile de comprendre pourquoi un pays civilisé comme la Grande-Bretagne coopère avec le Rwanda, qui continue d’agresser la RDC et est accusé par le Burundi de déstabiliser la région « , s’interroge Hubert Masomeko, un jeune engagé de Goma.

Il ajoute que les preuves de l’implication du Rwanda dans ces troubles sont suffisantes pour remettre en question sa capacité à accueillir des réfugiés en toute sécurité. « Le Rwanda n’a pas une très bonne réputation dans la région des Grands Lacs en raison de son activisme », insiste-t-il.

L’inquiétude est partagée par Linda, une femme au foyer de 29 ans, qui estime que l’expulsion des réfugiés vers le Rwanda est moralement contestable compte tenu de « l’agression » que ce pays fait subir à la RDC. Elle craint également que cette expulsion ne serve à financer des mouvements rebelles dans la région du Nord-Kivu, comme le M23.

Mwana Bwanga, un enseignant-chercheur, s’interroge sur la qualité des réfugiés concernés par cet accord et sur les motivations qui ont conduit à cette décision. « Pourquoi ces réfugiés sont-ils choisis et pourquoi maintenant ? Est-ce dans le but de renforcer le M23 ? » Il cherche encore à comprendre les tenants et aboutissants de cet accord. Mais il soutient que cet accord représente un danger, car selon lui, le Rwanda éprouve des difficultés à renforcer son bras séculier, qui est le M23.

« Nous devons être vigilants face à cette situation. Le Rwanda est accusé de soutenir le M23. Expulser des réfugiés vers le Rwanda ne ferait qu’accroître cette menace pour l’intégrité territoriale de la RDC « , déclare Espoir Bindu.

Ce jeune entrepreneur social, appelle les autorités congolaises à prendre cette situation au sérieux, soulignant que cet accord constitue une menace pour la RDC.

L’accord sur les réfugiés a également été contesté au niveau mondial par plusieurs instances des Nations unies, des organisations de défense des droits de l’homme et des organisations caritatives, le qualifiant de « violation du droit international ».

Pour le politologue congolais Bob Kabamba, la question migratoire, dans le contexte politique européen, est une priorité, non seulement pour les politiques, mais aussi pour l’opinion publique européenne ; et par cette mesure, le gouvernement britannique espère ainsi diminuer le poids émotionnel de la part de l’opinion publique britannique sur ce sujet très sensible outre-Manche.

« Cet accord s’inscrit manifestement dans le cadre justement de montrer à l’opinion publique britannique que le gouvernement est en train de prendre la question migratoire très au sérieux et qu’il prend des mesures efficaces pour apporter une solution à ce problème », estime M. Kabamba, professeur à l’Université de Liège et coordonnateur de la cellule d’appui politologique en Afrique centrale.

L’accord entre le Royaume-Uni et le Rwanda a été adopté dans un contexte de tensions entre la République Démocratique du Congo et le Rwanda.

Devant le Conseil de sécurité des Nations Unies, l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour la région des Grands Lacs Huang Xia, a même décrit une situation sécuritaire alarmante dans l’Est de la RDC, marquée par les tensions persistantes entre ce pays et le Rwanda, avec un risque d’embrasement régional.

Le professeur Kabamba estime que cet accord entre le Rwanda et la Grande Bretagne peut être perçu comme un échec de la diplomatie congolaise.

« Quant à la RDC, il faut bien se rendre compte que pour le Rwanda, cet accord, est aussi un gage de respectabilité, il rentre également dans ce qu’on appelle le soft power du Rwanda vis à vis de la communauté internationale. C’est pour montrer que le Rwanda est un pays sûr, crédible, qui peut manifestement répondre à des attentes claires qui sont posées par la communauté internationale, notamment dans l’espace européen, mais aussi spécifiquement par les Britanniques. Et de ce fait, tout ce qui augmente la puissance du Rwanda est mal vu du côté congolais, et donc tout succès politique du Rwanda est vécu du côté congolais comme un échec, et dans le cadre de la lutte diplomatique que se mènent les deux pays, du point de vue congolais, cet accord est perçu véritablement comme une victoire diplomatique pour le Rwanda et un échec pour la diplomatie congolaise. »

L’accord permet de renvoyer vers le Rwanda les demandeurs d’asile arrivés illégalement au Royaume-Uni, notamment en traversant la Manche.

Cet accord ne devrait pas avoir de conséquences autres que diplomatiques pour la RDC, estime l’analyste Bob Kabamba.

« Je ne pense pas qu’il y ait un lien de conséquence manifeste et directe pour la RDC mais simplement en termes de soft power. Cela veut dire que si la Grande Bretagne réussit en terme de soft power avec le Rwanda, d’autres pays européens sont en train d’envisager les mêmes mesures, ces pays pourraient suivre aussi la même démarche que Londres, et donc ça pourrait avoir manifestement une répercussion de la position rwandaise sur la scène internationale et donc fragiliser la position diplomatique de Kinshasa car si beaucoup de pays signent des accords de ce genre avec le Rwanda, on voit mal comment ces pays pourraient être contre le Rwanda dans le cadre de la campagne que mène le gouvernement congolais pour dénoncer Kigali en tant qu’agresseur de la RDC et réclame des sanctions contre le Rwanda », a dit M. Kabamba à la BBC.

Selon les termes de l’accord quinquennal, les demandeurs d’asile pourraient se voir accorder le statut de réfugié et être autorisés à rester au Royaume-Uni si leur demande est acceptée.

En cas de refus , les demandeurs d’asile pourraient demander à s’installer au Rwanda pour d’autres motifs ou demander l’asile dans un autre pays. En revanche, aucun demandeur d’asile ne pourrait retourner à nouveau au Royaume-Uni.

Dans un communiqué, le Premier ministre britannique Rishi Sunak a qualifié l’adoption du projet de loi de « non seulement un pas en avant, mais un changement fondamental dans l’équation mondiale de la migration ».

Le texte a également été vivement critiqué par les partis d’opposition.

Victoire Ingabire , une figure de l’opposition rwandaise déclarée autrefois emprisonnée pour atteinte à la sécurité de l’État, a utilisé son cas pour affirmer que les demandeurs d’asile bénéficient d’un mauvais accord.

« Ce sont des gens qui ont fui leur pays à cause de la pauvreté, à cause de la guerre, à cause des dictatures qu’ils ont dans leur pays », a-t-elle déclaré à la BBC.

« Je ne comprends pas pourquoi le gouvernement britannique veut absolument envoyer ces gens au Rwanda. »

« Et ils viendront dans un pays où ils seront confrontés aux mêmes problèmes, où ils ne pourront pas s’exprimer librement, où ils n’auront pas le bien-être qu’ils recherchent au Royaume-Uni.

Le gouvernement rwandais a réfuté catégoriquement ces allégations.

S’exprimant lors du Forum sur la sécurité au Qatar en mai, le président Paul Kagame justifié son choix.

« Depuis 2018, des centaines et des milliers de personnes ont été amenées par avion de la Libye au Rwanda….C’est ce que le Royaume-Uni a remarqué, je pense, qu’il y avait une autre façon de traiter ce problème, qui s’était transformé en un énorme problème pour eux, comme pour toute l’Europe…. », a déclaré Paul Kagame, Président du Rwanda.

Mi juin, le gouvernement rwandais a refuté des accusations du Haut commissariat des Nations-Unies selon lesquelles les demandeurs d’asile expulsés du Royaume-Uni vers le Rwanda pourraient être relocalisés ailleurs et subir des persécutions.

Dans un communiqué, Kigali les a qualifiés d' »allégations infondées « L’organisation semble vouloir présenter de fausses allégations aux tribunaux britanniques concernant la façon dont le Rwanda traite les demandeurs d’asile », déclare le communiqué du gouvernement, suite à une plaidoirie du HCR, dans un tribunal londonien, au cour d’une des actions en cours en justice, pour tenter d’annuler cette décision du gouvernement britannique.

Environ 52 000 personnes pourraient être concernées par l’accord et donc renvoyées au Rwanda en vertu de la loi.

Il s’agit de demandeurs d’asile, c’est-à-dire de personnes qui ont sollicité la protection du Royaume-Uni et qui sont arrivées sans autorisation après avoir traversé la Manche à bord d’un canot pneumatique.