Depuis deux mois, le site internet de la CENI demeure vierge de tout chiffre. Bafouant la loi électorale, celle-ci refuse de donner aux citoyens, aux électeurs et aux candidats les résultats détaillés de trois élections dont l’organisation a coûté près d’un milliard d’USD aux contribuables congolais.
La CENI dirigée par Corneille Nangaa vient d’inventer le nouveau concept « d’élection sans chiffre » réduisant les opérations électorales à la publication d’une simple « liste de gagnants » préalablement sélectionnés par une camarilla invisible.
Depuis deux mois, hommes politiques congolais, dirigeants africains et occidentaux tentent avec l’aide de certains analystes de nous convaincre que le Congo-Kinshasa serait entré dans une alternance politique pacifiée et qu’il faut désormais composer avec les nouvelles autorités. Concentrés sur la formation du gouvernement pour les uns, sur la préservation de leurs intérêts et de leurs bonnes relations avec ce pays pour les autres, tous font semblant d’oublier que le processus électoral continue et que les autorités qui en ont la charge poursuivent sans la moindre opposition leur travail frauduleux.
Aujourd’hui, la Cour constitutionnelle est saisie de plus d’un millier de recours contre les résultats de l’élection législative nationale tandis que 740 candidats contestent devant les cours d’appel l’élection des députés provinciaux. Cette phase de contentieux se déroule alors que ni les candidats requérants, ni les députés contestés, ni les magistrats chargés du contentieux ne disposent des chiffres affichés au soir des élections dans les bureaux de vote et alors qu’aucun des 179 centres locaux de compilation n’a traité les résultats des législatives nationales et provinciales. On peut donc logiquement conclure que la majorité des juges du contentieux sont en train de délibérer à partir de données chiffrées qui s’apparentent à des faux en écriture publique, entrainant ce faisant l’ensemble du système judiciaire dans l’escroquerie.
Selon des sources dignes de foi, contrevenant à toutes les règles de procédure, les « résultats officiels » seraient transmis par la CENI sous plis scellés directement aux magistrats des cours d’appel qui seraient les seuls à en prendre connaissance avant de trancher les litiges. Si l’on en croit les avocats de l’Association congolaise pour l’accès à la justice (ACAJ), « il ressort de l’observation des procès en cours (…) que certains responsables de la CENI sont accusés de tenter d’influencer les juges pour qu’ils n’annulent ou ne modifient pas les résultat contestés ».
Plus encore, l’ACAJ soupçonne la CENI de disposer d’un « fonds des contentieux » qui « serait mis à la disposition des juridictions ayant la charge du traitement des contentieux et constituerait un moyen par lequel la CENI peut faire pression et ainsi influencer les décisions des juridictions».
Ainsi, en lieu et place d’un contentieux électoral on assiste à un vaste marchandage entre autorités électorales, candidats et juges, ces derniers considérant souvent la phase contentieuse comme une opportunité d’affaires plutôt que comme une occasion de dire le droit.
Au-delà du contentieux en cours, le processus électoral se poursuit puisque les élections indirectes des sénateurs et des gouverneurs sont programmées pour les 15 et 27 mars prochains. Si d’ici là aucun moratoire n’est prononcé et si rien n’est fait pour revenir à l’arithmétique des urnes, ces deux scrutins vont contribuer à falsifier encore un peu plus la géographie politique du pays, déjà défigurée par l’accession au pouvoir d’un chef de l’Etat, Félix Tshisekedi, désigné plutôt qu’élu par les urnes. En effet, les assemblées provinciales vont propulser à la Chambre haute et à la tête des exécutifs provinciaux des personnages et des partis que le vote populaire avait censurés le 30 décembre.
Dans ce contexte général où le mensonge a remplacé la vérité, la corruption se propage désormais sans entrave à toutes les assemblées provinciales avec le risque d’une multiplication des conflits locaux dans le pays. La phase pré-électorale actuelle en est la parfaite illustration avec son lot d’achats de conscience et de scandales de pots-de-vin qui ont justifié l’intervention vigoureuse de l’Eglise protestante. Le 19 février, l’ECC a dénoncé lors d’une conférence de presse ce qu’elle a appelé une « corruption à grande échelle des députés provinciaux par des candidats aux élections des gouverneurs de province et des sénateurs » et a affirmé « détenir des preuves de ces corruptions qu’elle entend mettre à la disposition de la justice congolaise aux fins d’une éventuelle instruction judiciaire ».
Le souvenir de la répression meurtrière orchestrée par le pouvoir de Joseph Kabila dans le Bas Congo en 2007 contre ceux qui refusaient les résultats des élections frauduleuses des sénateurs et du gouverneur de cette province devraient plaider pour un arrêt de la dérive actuelle et inviter les autorités à tout faire pour éviter que les sénateurs et gouverneurs en place et hors mandat depuis 2012, ne soient remplacés par des individus sans légitimité. Espérons que la voix du peuple congolais soit enfin entendue pour qu’ « Après 2018 ne soit pas égal à avant 2018. »
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