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Le Parlement européen demande à l'UE de suspendre son accord avec le Rwanda


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lundi 17 février 2025  

Par Joseph Apolo Msambya 

Le Parlement européen a voté, jeudi 13 février, à la quasi-unanimité, la suspension de l'accord sur les minerais signé l'année dernière entre le Rwanda et l'Union européenne. Elle est accusée par des eurodéputés, via ce partenariat, d'encourager 'le pillage des ressources naturelles congolaises par l'intermédiaire du Rwanda', pays qui soutient le groupe rebelle M23 dans l'Est de la RDC.

Au total, les résultats du voté ont plébiscité 443 voix pour et seulement 4 voix contre. Jeudi 13 février, le Parlement européen a demandé à l'Union européenne de suspendre immédiatement son partenariat sur les matières premières signé en février 2024 avec le Rwanda. Le Parlement 'prie instamment la Commission et le Conseil de suspendre immédiatement le protocole d'accord UE-Rwanda sur les chaînes de valeur durables pour les matières premières jusqu'à ce que le Rwanda prouve qu'il a mis fin à son ingérence et qu'il a cessé d'exporter des minerais extraits des zones contrôlées par le M23', peut-on lire dans la recommandation du Parlement européen.

Deux jours plus tôt, soit mardi 11 février, le médecin congolais Denis Mukwege avait pris la parole lors d'une conférence de presse organisée par le groupe des Verts au Parlement européen. 'Signer un accord sur les minerais stratégiques avec un pays qui utilise la violence pour les obtenir soulève une question morale et éthique pour l'Union européenne', a témoigné le prix Nobel de la paix 2018.


Un 'accord indéfendable'

Il y a un an, quasiment jour pour jour, la Commission européenne signait un accord avec le gouvernement rwandais pour sécuriser son approvisionnement en minerais critiques, indispensables à la production des smartphones ou véhicules électriques. Or, la signature de ce partenariat avait été vivement critiquée par le président de la République démocratique du Congo, Félix Tshisekedi, qui l'avait accusé d'encourager 'le pillage des ressources naturelles congolaises par le Rwanda'.

Pour Mounir Satouri, président de la Commission des droits humains, le partenariat stratégique UE-Rwanda était 'indéfendable dès le départ'. Pour cet eurodéputé du groupe des Verts, cet accord 'ne peut être maintenu alors que le sang coule dans l'Est du Congo et que des minerais sont illégalement acheminés vers le Rwanda'. 'Les consommateurs ne veulent pas que leurs smartphones et leurs ordinateurs portables soient liés aux minerais de conflit', souligne-t-il dans un communiqué.

Un point que soulève également l'eurodéputé français David Cormand : 'On peut facilement l'oublier, mais la filière du numérique est loin d'être complètement propre. La fabrication de nos objets connectés a des répercussions sur des millions de vies, et l'UE ne peut, de notre point de vue, envisager de construire une forme de prospérité sur les rivières de sang, de viols et de meurtres qui en sont la conséquence', confie-t-il.

L'appétit des Européens pour ces minerais stratégiques – indispensables à notre transition écologique – attise le conflit dans l'Est de la RDC. Depuis la signature de ce partenariat avec l'UE, les combattants du M23, avec le soutien du Rwanda, ont étendu leur emprise sur les ressources minérales de l'Est du Congo. Ce pays, grand comme cinq fois la France, produit à lui seul plus des deux tiers du cobalt mondial, utilisé entre autres pour les batteries des voitures électriques.

Mais l'on y trouve également de l'or, du tantale, de la cassitérite, de la wolframite ou encore du coltan. Ce dernier métal, peu connu du grand public, est pourtant au cœur du conflit entre la RDC et le Rwanda. Fin avril 2024, ce dernier s'est emparé de cette mine qui produirait 20 à 30% du coltan mondial. Cet alliage naturel de colombite et de tantalite est essentiel dans la fabrication de condensateurs pour les équipements électroniques – tels que les téléphones, les ordinateurs, les fusées, etc. – en raison de sa forte résistance à la chaleur. Selon l'ONU, au moins 150 tonnes de coltan ont ainsi été illégalement exportées vers le Rwanda, pour une valeur de plus de 700 000 euros par mois.

En décembre 2024, le gouvernement de la RDC avait déposé plainte contre Apple France, Apple Retail France et Apple Retail Belgium pour recel, crimes de guerre, biens volés, blanchiment de minerais issus de conflits et pratiques commerciales trompeuses. Depuis, la multinationale a annoncé avoir informé ses fournisseurs de cesser leurs exportations. 

La balle reste alors dans le camp de la Commission de l'Union européenne pour appliquer cette mesure arrêtée au Parlement européen, notamment en procédant à la suspension de l'accord mis en cause.